19 Juin 2022
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La distinction entre "questions politiques" (nobles) et "questions non politiques" (non nobles) est-elle pertinente pour les marxistes? Pour Trotsky, en 1923, s'il est faux de dire que "tout est politique", il l'est tout autant de dire que les "questions culturelles", celles du mode et des conditions de vie incluant féminisme, machisme, éthique et problèmes du langage; démocratie ouvrière, centralisme démocratique, autoritarisme; racisme, antisémitisme, négation de la spécificité de la Shoah; négation de la menace environnementale; négation de la menace nucléaire militaire; négation de la menace nucléaire civile; menaces d’effondrement civilisationnel, démocratie et dictature du prolétariat. Or ces questions ont souvent été considérées comme "secondaires" par les organisations se réclamant du trotskysme et de la lutte des classes. Cette histoire mérite d'être revisitée. Commençons par les questions du mode de vie, de l’éthique et du langage.
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L’histoire du mouvement ouvrier est riche et complexe. Il est toujours utile, de temps en temps, de revenir sur son passé, ses réussites et ses erreurs, pour en tirer des leçons et des mises en garde pour le futur. Au sein de la mouvance trostkyste, c’est ce qu’avait fait en son temps une brochure intitulé Quelques enseignements de notre histoire, qui ne se contentait pas de tirer un bilan mais s’appuyait sur celui-ci pour construire une stratégie politique pour le futur. Quelles qu’aient été la clairvoyance et l’honnêteté des auteurs de ce bilan, celui-ci n’était pas complet. Il comportait d’importants « points aveugles » dont les conséquences n’ont pas été négligeables, notamment en contribuant à l’isolement de notre mouvement vis-à-vis d’une partie des jeunes, des femmes et des travailleurs. Dans ce billet et les suivants je voudrais revenir brièvement sur quelques-unes de ces cécités partielles: questions du mode de vie, incluant féminisme, machisme, éthique et problèmes du langage; démocratie ouvrière, centralisme démocratique, autoritarisme; racisme, antisémitisme, négation de la spécificité de la Shoah; négation de la menace environnementale; négation de la menace nucléaire militaire; négation de la menace nucléaire civile; menaces d’effondrement civilisationnel, démocratie et dictature du prolétariat. Commençons par les questions du mode de vie, de l’éthique et du langage.
En 1923, peu après la Révolution, et avant son livre plus connu Littérature et révolution de 1924, Trotsky publia un livre très original et intéressant, intitulé Les questions du mode de vie, basé en partie sur des réunions d’« une petite assemblée d’agitateurs » du Comité de Moscou du Parti Bolchevik, discutant de « questions en apparence secondaires » : comportement humain en société, rapports travail-loisirs, rapports familiaux, condition et émancipation des femmes, gestion des équipements collectifs, logement, architecture, culture et cadre de vie, alcoolisme, politesse, correction du langage quotidien, etc. Il y abordait non seulement des questions « politiques » (au sens étroit du terme) mais aussi des questions culturelles et « bassement matérielles » de la vie quotidienne des travailleurs. S’appuyant sur une citation de Lénine, il écrivait :
« Quand le camarade Lénine affirme que nos tâches ne sont aujourd’hui pas tant politiques que culturelles, il est nécessaire de s’entendre sur la terminologie afin de ne pas interpréter faussement sa pensée. Dans un certain sens, la politique domine tout. Le conseil du camarade Lénine de transférer notre attention du domaine politique au domaine culturel est un conseil politique. Lorsqu’un parti ouvrier, dans tel ou tel pays, décide qu'il est nécessaire, à un moment donné, de placer au premier plan les exigences économiques, et non politiques, cette décision a un caractère ‘politique’. Il est parfaitement évident que le mot ‘politique’ est utilisé ici dans deux sens différents – en premier lieu, dans un sens large, matérialiste-dialectique, englobant l’ensemble des idées directives, des méthodes, des systèmes, qui orientent l’activité de la collectivité dans tous les domaines de la vie sociale; en second lieu, dans un sens étroit, spécialisé, caractérisant une certaine partie de l’activité sociale, étroitement liée à la lutte pour le pouvoir, et opposée au travail économique, culturel, etc. Lorsque le camarade Lénine écrit que la politique c’est de l’économie concentrée, il envisage la politique au sens large, philosophique. Lorsque le camarade Lénine dit: ‘un peu moins de politique, un peu plus d’économie’, il envisage la politique au sens étroit et spécialisé du terme. Les deux emplois sont également valables, puisque légitimés par l’usage. Il importe seulement de bien comprendre de quoi on parle dans chacun des cas.
L’organisation communiste est un parti politique au sens large, historique, ou si l’on veut, philosophique du terme. Les autres partis actuels sont politiques uniquement au sens où il font de la (petite) politique. Que notre parti transfère son attention au domaine culturel ne signifie pas du tout qu’il affaiblisse son rôle politique. Historiquement, le rôle dirigeant (c’est-à-dire politique) du parti se manifeste précisément dans ce déplacement logique de son attention au domaine culturel. C’est seulement après de longues années d’activité socialiste, menée avec succès à l’intérieur, et garantie à l’extérieur, que le parti pourra peu à peu se libérer de sa coquille partisane pour se mêler à la communauté socialiste. Mais cela est encore si lointain qu’il est inutile d’anticiper sur l’avenir... Pour l’immédiat, le parti doit conserver totalement ses caractères fondamentaux : cohésion idéologique, centralisation, discipline et, corrélativement, combativité. Mais précisément ces qualités inestimables de l’‘esprit de parti’ communiste ne peuvent se maintenir et se développer dans des conditions nouvelles que si l’on satisfait les exigences et les besoins économiques et culturels de façon plus complète, plus habile, plus exacte et plus détaillée. Conformément à ces tâches qui doivent aujourd’hui jouer un rôle prépondérant dans notre politique, le parti regroupe, distribue ses forces et éduque la jeune génération. Autrement dit, la grande politique exige qu’à la base du travail d’agitation, de propagande, de répartition des forces, d’instruction et d’éducation, l’on place aujourd’hui des tâches et des exigences économiques et culturelles et non des exigences ‘politiques’, au sens étroit du terme. »
Ce texte se situe dans un contexte historique et politique particulier : celui où l’État soviétique, ayant survécu à la guerre civile et dans le contexte de l’échec des autres révolutions européennes, tentait de renforcer sa cohésion interne et de s’occuper de questions « quotidiennes » autres que la guerre et la révolution. Ces questions concernaient principalement des aspects matériels de la vie des travailleurs, mais également d’autres plus immatériels, comme la politesse ou le langage de tous les jours. Il faut toutefois souligner que l’approche de ces questions dans le cadre d’un projet de construction d’une « nouvelle société socialiste » faisant suite à une révolution victorieuse ne saurait être transposée telle quelle dans une société capitaliste n’ayant pas réalisé de révolution. La question est alors celle des délais : tant que la révolution est tenue pour possible et proche, il peut être justifié de considérer ces questions du mode de vie comme « secondaires » par rapport à la préparation de la révolution, mais elle se pose de manière fort différente lorsqu’il s’avère que, malgré l’urgence objective de celle-ci (que nous mesurons aujourd’hui avec les menaces d’effondrement de l’ensemble de notre civilisation), les conditions subjectives de son surgissement et de sa victoire se sont considérablement dégradées, avec l’incapacité pendant un siècle du mouvement ouvrier mondial à (re)construire des partis et une internationale révolutionnaire : dans ces conditions, continuer à surseoir à une réflexion et des actions pour prendre à bras le corps les questions du mode de vie dans le cadre de la société capitaliste en disant que cela « pourra attendre le socialisme » devient une erreur politique grave, qui ne peut que couper les « révolutionnaires » (auto-proclamés et sans révolution) des masses dont ils se considèrent comme l’« avant-garde ».
Dans la suite de son histoire, justement après 1922‒1923, dévasté par l’irruption du stalinisme dans tous les domaines politiques et sociaux dans le monde entier, le mouvement ouvrier, notamment sous sa forme marxiste résistant au stalinisme, a largement laissé de côté ces questions pendant des décennies : il y avait d’autres urgences, il fallait lutter contre le courant, continuer à transmettre des acquis théoriques et historiques, et pour ce faire il fallait contruire et maintenir, parfois dans la clandestinité, des organisations « de fer », se protégeant d’intrusions dans leurs rangs comme d’influences idéologiques bourgeoises et staliniennes. Il en a résulté des modes de fonctionnement, des pratiques et des personnalités de « forteresse assiégée » qui ont persisté même lorsque progressivement, dans les années 60 et après, la forteresse a commencé à s’ouvrir un peu à l’ensemble de la société. Ces pratiques persistantes, particulièrement dans certaines organisations plus « rigides » que d’autres, ont contribué à jouer un rôle d’« épouvantail » vis-à-vis d’une partie de la jeunesse et des potentiels militants qui commençaient à être attirés par leur ligne politique proprement dite, mais rebutés par le mode de fonctionnement de ces organisations.
Il serait inutile aujourd’hui de tenter une analyse détaillée de ce mode de fonctionnement : c’est alors qu’il aurait fallu le faire. Mais celui-ci peut être qualifié en quelques mots de machiste, brutal, orgueilleux (surtout de la part des dirigeants), aveugle et sourd à l’égard des difficultés, personnelles et autres, rencontrées par les militants, et obséquieux ou agressif vis à vis des « contacts » tant que ceux-ci n’avaient pas adhéré à l’organisation, puis souvent méprisant vis-à-vis de ces « bleus » après leur adhésion. Une illustration particulièrement choquante et permanente de cette attitude a été vécue par tous les militants de cette époque: c’est la manière dont les dirigeants se tenant à la tribune de réunions répondaient souvent à des questions ou interpellations venant de la salle, en veillant à non seulement asséner des affirmations brutales bloquant toute possibilité de débat, mais encore à humilier publiquement ces intervenants ‒ pratiques dont j’ai pour ma part constaté avec surprise qu’elles avaient toujours cours lors du congrès de fondation d’une énième renaissance d’une nouvelle organisation il y a 14 ans, ce qui m’amené à quitter celle-ci le jour même. Rien d’étonnant donc à ce que l’attitude de l’organisation vis-à-vis de la mouvance féministe alors en cours de constitution fût condescendante, sinon carrément hostile : nous avons des choses vraiment importantes à faire (la révolution mondiale), nous n’allons pas perdre du temps dans ces histoires de bonnes femmes.
Mises à part quelques exceptions, le mouvement féministe s’est donc développé en dehors et sans l’appui du milieu militant « lutte des classes », un processus similaire à celui concernant les problèmes environnementaux que nous évoquerons plus tard. Le soutien qu’a pu apporter par moments ce milieu à la « cause des femmes » s’est limité à des questions liées à leur exploitation dans le cadre du salariat (non au travail de nuit des femmes, à travail égal salaire égal, pas de discrimination dans les carrières) mais n’a touché ni à la sphère privée (relations entre les sexes dans le cadre de la famille ou de la société dans son ensemble, intimidation, harcèlement et viol) ou même à la sphère militante. Il serait sans doute instructif (et impressionnant) de pouvoir effectuer une enquête sur les rapports entre les sexes au sein des organisations « lutte des classes » pendant des décennies : ils étaient très vraisemblablement fort semblables à ceux en vigueur dans tous les autres secteurs de la société, comme ceux dont l’ampleur « insoupçonnée » a été mise en évidence ces dernières années par des mouvements comme MeToo. Ce n’est pas à l’honneur de notre mouvement d’avoir été silencieux et inactif sur ces questions, surtout quand on relit les pages de Trotsky évoquées ci-dessus.
Toujours en raison de la priorité donnée au « politique » (au sens étroit du terme, incluant le « social ») sur l’éthique et ce que l’on appelle aujourd’hui le « sociétal », terme initialement créé pour « faire l’économie de ‘social’, lourdement porteur de connotations potentiellement cririques » (Pascal Durand in Les nouveaux mots du pouvoir, Aden, 2007), les militants « lutte des classes » se sont en général tenus à l’écart des discussions sur les sujets émergents dans ce domaine au 20° siècle, qu’ils soient en rapport avec la condition féminine (contraception, avortement, fécondation artificielle, etc.) ou plus large (fin de vie, peine de mort, prison, enfermement psychiatrique, etc.). Non pas, certes, que ces sujets auraient dû être au centre de leurs préoccupations, mais leur silence quasi-absolu sur ces questions n’ont pu qu’envoyer le message qu’ils se satisfaisaient de la manière dont elles étaient traitées dans la société capitaliste de leur époque.
L’absence pendant longtemps des militants « lutte des classes » dans les débats du féminisme, balayé d’un revers de la main en le qualifiant globalement de « petit bourgeois », a eu justement un effet inverse : il a contribué au développement au sein de ce mouvement d’une tendance non seulement petit bourgeoise, mais même pleinement bourgeoise et réactionnaire, clairement influencée par l’idéologie du « politiquement correct » nord-américain, avec son avatar la « cancel culture » qui n’est autre qu’un révisionnisme-négationnisme revisité, et qui s’incarne particulièrement dans la question du langage. L’aberration de l’« écriture inclusive », qui s’appuie sur une conception absurde selon laquelle les mots seraient des êtres vivants ayant des sexes (et pourquoi pas des races ou des religions), traduit cette influence. Le genre grammatical des mots est une convention linguistique qui existe dans certaines langues mais pas toutes, et elle n’a rien à voir avec le sexe biologique ou le « genre » social des personnes.
L’Académie Française, institution datant de la royauté, n’est certes pas en général un parangon de « progressisme », mais en l’occurrence on peut mettre à son actif sa déclaration très claire sur ce mode d’écriture :
Déclaration de l’Académie Française sur l’écriture dite « inclusive »
adoptée à l’unanimité de ses membres dans la séance du jeudi 26 octobre 2017
Prenant acte de la diffusion d’une « écriture inclusive » qui prétend s’imposer comme norme, l’Académie française élève à l’unanimité une solennelle mise en garde. La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.
Plus que toute autre institution, l’Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c’est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme : devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures.
Il est déjà difficile d’acquérir une langue, qu’en sera-t-il si l’usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète.
Contrairement à ce qu’une approche superficielle peut suggérer à certains, la langue française n’est pas seulement (et comme toutes les autres langues d’Europe occidentale) la langue du colonialisme, de l’exploitation et de la guerre, de l’oppression linguistique des langues régionales ou des colonisés, c’est la langue des Lumières, de la Révolution Française, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, de la notion d’État de Droit, d’innombrables textes ayant contribué à la construction progressive d’une pensée libérée de tous les obscurantismes religieux et prête à formuler des idées matérialistes et progressistes. C’est la langue qui a incarné depuis plus de deux siècles pour des millions d’hommes et de femmes dans le monde entier les idéaux de liberté, d’égalité et de justice. C’est celle qu’ont choisie nombre de philosophes et militants de tous pays, cultures et traditions pour exprimer l’exigence d’émancipation de toutes les formes de tyrannie et d’exploitation, et ceci bien qu’elle soit une langue nuancée, exigeante et difficile à apprendre et à maîtriser. C’est par exemple dans cette langue qu’Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor ont utilisé le concept anti-colonialiste de négritude qui, soit dit en passant, s’appuie fièrement pour le détourner de son sens initial péjoratif sur le terme de « nègre » aujourd’hui voué universellement aux gémonies.
Surimposer à cette langue déjà complexe un ensemble de pseudo-règles fluctuantes censées exprimer les problèmes sociaux de relations entre les sexes, une question qui n’a rien à voir, ne peut avoir comme effet que de rendre difficile ou impossible non seulement le maniement écrit de cette langue aujourd’hui, mais encore l’accès à tout le corpus gigantesque de textes écrits dans celle-ci. Faudra-t-il demain traduire et republier Molière, Rimbaud ou Proust en écriture inclusive ? Tandis que les bobos désoeuvrés d’Auteuil-Neuilly-Passy se donneront de délicieux frissons révolutionnaires en se déclarant révolté.e.s, comment les nouveaux réfugiés, les jeunes des « quartiers défavorisés » et des campagnes parviendront-ils à assimiler cette langue aux mille potentialités mais exigeante, comment les enseignants, déjà confrontés depuis longtemps à la destruction en cours de l’éducation nationale, pourront-ils l’apprendre aux enfants? Relisons le livre de Trotsky cité ci-dessus et son insistance sur la nécessité pour les travailleurs d’une bonne maîtrise du langage, élément fondamental de leur émancipation. L’argument que l’on entend parfois sur cette question, à savoir que « les langues évoluent » en fonction des pratiques des locuteurs, qui ne sont contrôlées par aucune « Académie », est hors sujet; l’écriture inclusive n’est pas une langue, car elle ne se reflète d’aucune maière dans la langue parlée. Elle est au contraire une création tout à fait artificielle d’un petit noyau d’idéologues, pas le résultat d’une évolution spontanée populaire comme le verlan ou même le langage des réseaux sociaux.
Et comment le français pourrait-il conserver son statut de langue internationale dans tous les textes officiels, déjà bien affaibli par rapport à l’anglais ‒ qui lui n’est pas menacé par une telle destruction de l’écriture, en raison de son absence de désinences indiquant le genre grammatical ‒ et même par rapport à d’autres langues qui emploient de telles désinences mais ne semblent pas faire pour l’instant l’objet d’une telle dérive ? Il ne s’agit nullement en l’occurrence d’une revendication « nationaliste », mais au contraire de la défense d’une langue dans laquelle ont été publiés des multitudes de textes à la portée universelle et universaliste, qui doivent rester accessibles dans leur version originale à tous, et qui doit rester dans le monde la langue de la Révolution et des Droits de l’Homme. À l’heure où « la langue française est en passe de s’effondrer en une sorte de dialecte de l’empire anglo-saxon » (Alain Borer, Speak White, Gallimard, 2021), l’écriture inclusive, si elle parvenait à s’imposer partout (elle l’a déjà fait dans un certain nombre de domaines), serait à même de porter l’estocade à la portée universelle de la langue française.
Pour en revenir à la sphère militante « lutte des classes », elle n’a semble-t-il jusqu’à présent jamais porté attention à ces questions et a résisté, plus par passivité que suite à une vraie réflexion à la pression exercée par certains milieux bourgeois urbains pour adopter cette écriture. C’est ainsi que jusqu’à présent, dans les textes publiés par des organisations ou groupes comme Aplutsoc, on lisait « les militants et les militantes », ce qui est parfaitement clair, et pas « les militant.e.s », ce qui est non seulement inélégant et irritant mais encore difficilement compréhensible pour une grande partie de la population. Il serait peut-être bon de consacrer un peu de temps à cette question, pour ne pas se laisser entraîner, par exemple dans des textes que nous pouvons être amenés à signer en commun avec d’autres groupes militants, à adopter cette écriture sans même l’avoir consciemment décidé.
Alain Dubois
12 juin 2022
https://aplutsoc.org/2022/06/08/comprendre-le-passe-pour-agir-dans-le-present-et-sauver-lavenir-journee-detude-daplutsoc-dimanche-26-juin-2022-au-maltais-rouge/