L'Herbu

Le blog d'Alain Dubois, Saturnin Pojarski et Augustin Lunier

La fin d’une époque

La fin d’une époque

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L’élection de dimanche marque la fin d’une époque : soit un coup d’arrêt sera mis aux attaques contre les populations et l’environnement, en France, comme premier acte sur la planète ; soit les espoirs portés par la candidature Mélenchon seront déçus, en partie à cause des trois autres candidats de gauche. La responsabilité de ceux-ci est donc considérable : ils doivent se retirer avant dimanche.

 

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L’élection présidentielle française de 2017 marque la fin d’une époque.

 La première moitié du 20e siècle fut marquée par l’espoir d’un changement mondial de société, de la sortie du Moyen-Age et de l’accès pour la  première fois dans l’histoire à une organisation sociale, le socialisme, au service de l'ensemble des humains et non plus d’une minorité. Elle fut suivie d’une deuxième moitié de ce même siècle où cet espoir s’est progressivement érodé, en raison de la longue persistance contre-nature du stalinisme, et de l’incapacité du mouvement ouvrier mondial de s’en débarrasser. L’effondrement de l’URSS fut causée non pas par les coups révolutionnaires des masses pour y restaurer un socialisme véritable mais par la victoire de l’impérialisme contre son valet le stalinisme. L’entrée dans le 21e siècle confirma progressivement l’importance de cette victoire en consolidant sans cesse l’emprise sans partage de l’impérialisme, principalement incarné dans l’Empire états-uniens, sur la planète, avec l’expansion de ce que Naomi Klein a appelé le capitalisme du désastre. Celui-ci est porteur non seulement de dérégulation tous azimuts, de surexploitation, de misère extrême, de famine et de pathologies pour des milliards d’individus, mais encore de destruction sans retour des principaux équilibres écologiques et de catastrophes environnementales dont l’ampleur ne peut encore être imaginée, sans parler des risques toujours présents de destruction nucléaire de toute vie sur la terre.

 Pour parfaire son contrôle sauvage sur la planète, après être venu à bout de la plus grande partie des résistances locales et régionales, il restait à l’impérialisme mondialisé la tâche de s’imposer pleinement dans la seule partie de la planète résistant encore relativement efficacement à ce rouleau compresseur, l’Europe occidentale. Les vingt dernières années ont été le théâtre de ce combat décisif. La longue tradition organisationnelle ouvrière et démocratique dans cette partie du monde a jusqu’à présent préservé les populations de ces pays d’une défaite majeure, à long terme, face à ce rouleau compresseur pourtant relayé activement par tous leurs dirigeants politiques, économiques et médiatiques agissant comme un seul homme. Malgré les sursauts de résistance, parfois impressionnants (vote Non à l’Europe-croupion au service des Etats-Unis, mobilisations considérables pour des luttes générales comme en Grèce ou partielles comme dans les manifestations contre la Loi Travail), les défaites locales et partielles se sont multipliées (capitulation de Tsipras, passage avec armes et bagages de tous les partis socio-démocrates d’Europe directement dans le camp de l’impérialisme mondialisé, Loi Travail imposée par le 49-3 sans vraie résistance du mouvement ouvrier, Brexit, etc.).

 En raison de son poids historique et de sa place en Europe, la France est bien entendu un enjeu majeur de ces combats. Elle fut le pays où, à deux reprises, après mai 1968, des présidents « socialistes » porteurs de grands espoirs furent élus, et où ceux-ci de manière persévérante contribuèrent à déconsidérer le parti social-démocrate en instaurant la rigueur et en portant des coups répétés aux travailleurs et à la population, en s’appuyant sur les dispositions les plus réactionnaires d’une constitution bonapartiste imposée au pays après un coup d’Etat. Elle fut un des pays où la population vota clairement contre les traités européens mais où ceux-ci furent imposés par l’oligarchie au pouvoir. Après l’effondrement, consécutif à celui de l’URSS, d’un des partis staliniens les plus puissants d’Europe occidentale après la deuxième guerre mondiale, son petit frère la section française de la deuxième internationale a dû monter au créneau pour défendre elle-même en première ligne les intérêts des nantis contre ceux de la majorité de la population. Ce faisant elle a créé les conditions les plus propices en Europe aujourd’hui pour porter un coup sévère, sinon mortel, à l’un de ces partis traîtres, le Parti Socialiste de Mitterrand, Jospin et Hollande. Pour la première fois depuis un siècle, les conditions sont proches de celles permettant la venue au pouvoir d’un président « de gauche » qui ne soit inféodé ni au stalinisme ni à la social-démocratie. La « transformation de cet essai » aurait des conséquences incalculables pour toute l’Europe et, par voie de conséquence, pour le monde entier, et ceci indépendamment de la volonté et des intentions de Mélenchon lui-même: elle créerait un puissant appel d’air et serait sans nul doute suivie de puissants mouvements sociaux, à l’image, mais en bien plus puissant, de celui qui se déroule aujourd’hui, dans le silence des médias, en Guyane. En revanche, l’échec de Mélenchon, que ce soit face à Le Pen, Fillon ou Macron, ouvrirait une période de réaction sanglante. Ceux qui rêvent que dans ces conditions puissent se développer des mouvements révolutionnaires en France n’ont rien retenu de l’histoire du 20e siècle.

 La responsabilité historique des candidats « de gauche » qui, par leur simple présence au premier tour, et sans aucune chance d’être qualifiés pour le deuxième, vont tenter de faire capoter le projet de la France Insoumise, est considérable. Ils travaillent objectivement pour l’Empire, pour la fin des espoirs d’un vrai changement de société à court, moyen ou même long terme, car les conditions dans cinq ans seront fort différentes d'aujourd'hui.

Aujourd'hui il n'y a que deux votes possibles: pour le maintien du système - sauf que justement celui-ci ne se "maintient" pas du tout, mais est engagé dans une spirale folle des destructions de siècles d'acquis sociaux et civilisationnels - ou en sortir. Et seul Mélenchon propose une voie concrète pour en sortir...

 Les derniers avatars de la campagne, avec un attentat abject, mais particulièrement opportun pour faire gagner la peur dimanche, rendent particulièrement urgente l’action exceptionnelle d’un désistement collectif des trois candidats en question juste avant le premier tour. L’histoire jugera ensuite des responsabilités des uns et des autres dans les catastrophes prévisibles.

 Alain Dubois

21 avril 2017

 

Publication originale:

https://blogs.mediapart.fr/alaindubois/blog/210417/la-fin-d-une-epoque

 

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Mots clés : Benoît Hamon. Brexit. Cinquième République. Code du Travail.Démocratie.  France. Jean-Luc Mélenchon. Lutte des classes. Mouvement ouvrier. Parti Socialiste. Stalinisme.

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