L'Herbu

Le blog d'Alain Dubois, Saturnin Pojarski et Augustin Lunier

Merci à la RATP et à la mairie de Paris

Omnibus parisiens, années 1900

Omnibus parisiens, années 1900

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Alors que Paris est une zone de forte circulation du virus covid 19, le nombre de bus et de rames de métros n'a semble-t-il pas augmenté sensiblement. La concentration de passagers dans les voitures ne peut que contribuer à l'expansion de la pandémie.

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Depuis mon retour en France d'un séjour au Brésil en mars, je suis largement resté confiné chez moi en Bretagne, et n'ai fait que quelques séjours relativement brefs à Paris.

Lors des premiers d'entre eux, j'ai constaté que des sièges étaient condamnés dans les bus et métros.

Ce n'était plus le cas ces derniers temps. Et non seulement tous les sièges étaient occupés, mais les voyageurs se pressaient également debout dans les allées des bus ou dans les espaces en face des portes dans les métros, et ceci à toutes heures. L'explication en est simple: les délais entre les bus et entre les métros étaient particulièrement longs. Ayant fait huit allers-retours en bus ces quatre derniers jours, j'ai eu la curiosité de noter les délais d'attente affichés dans les abribus à mon arrivée dans ceux-ci: 8, 12, 3, 7, 15, 10, 8 et 22 minutes.

A mon arrivée à l'abribus, la plupart du temps il n'y avait qu'une ou que quelques personnes, mais évidemment, plus l'attente se prolongeait, plus le nombre de personnes attendant le bus augmentait et celui-ci se remplissait vite. La grogne y était palpable. On y retrouvait non seulement la récrimination contre les délais d'attente, contre les bus pleins où les passagers ne peuvent éviter de se toucher, mais aussi contre les habituels démarrages et freinages brusques qui caractérisent depuis longtemps les bus parisiens, et qui jettent régulièrement certains passagers les uns contre les autres, quand ce n'est pas au sol - comme si la préoccupation majeure des conducteurs de ces bus trop rares étaient de rapporter vite le véhicule au dépôt, pour prendre un pot avec les copains ou rentrer à la maison, ou à la demande de leur hiérarchie pour respecter des horaires. Ce dont témoigne également la trop fréquente situation où, après une attente d'un bon quart d'heure, deux, quand ce ne sont pas trois, bus se suivent à la queue leu leu, le deuxième, et a fortiori le troisième, étant quasiment vide(s) - sans qu'apparemment existe dans de tels cas de consignes exigeant qu'en cas où un bus en rattrape un autre, comme dans une course cycliste contre la montre, le suivant doive s'arrêter quelques minutes pour rétablir un espacement entre les bus.

Bien sûr, je ne fais état ici que d'une expérience personnelle - et j'imagine bien qu'on pourrait ou qu'on pourra m'opposer des "statistiques" de la RATP - invérifiables comme toutes les statistiques "officielles". Mais les réactions réitérées de mes compagnons de voyage m'incitent à penser que je ne suis pas le seul à avoir eu de telles "expériences personnelles".

Qu'en est-il dans les autres métropoles fortement touchées par le covid 19 et disposant de réseaux importants de transports publics? Le nombre de bus, cars, tramways, trains a-t-il nettement augmenté afin de réduire la concentration des voyageurs?

Un citoyen naïf, venant par exemple de Russie (où j'ai personnellement constaté, lors de deux séjours à Ekaterinburg ces dernières années, que, lorsque à un arrêt de bus on voit la queue d'un bus s'éloigner à droite, en tournant la tête à gauche on voit la tête du suivant), pourrait s'imaginer que, lors d'une catastrophe comme la covidémie, le premier souci d'une mairie dite "de gauche", "socialiste" et "écologiste" aurait été d'augmenter considérablement (doubler ou plus) le nombre de bus et de rames de métros en circulation,  afin d'éviter le plus possible les contacts entre voyageurs - et non pas, selon la formule consacrée, de "maîtriser les coûts". De même qu'on aurait pu penser qu'après des années d'attaques frontales contre la médecine, de fermetures de lits, de services, d'établissements, le premier souci d'un gouvernement responsable, soucieux de la santé et de la vie de ses "sujets", aurait été de s'empresser de réparer ces erreurs, de former des médecins et personnels soignants, de revaloriser considérablement leurs salaires et leurs carrières, de rouvrir des services et des établissements, d'augmenter leurs budgets de fonctionnement, plutôt que les faire applaudir au parlement et sur les balcons, tandis que des sommes faramineuses étaient offertes à "l'économie", c'est-à-dire "aux entreprises", c'est-à-dire à leurs actionnaires, dont les profits ont depuis le début de la pandémie explosé comme jamais depuis longtemps. Une telle vision traduirait une conception "idéaliste" de la société que rien ne confirme depuis plus d'un siècle, et particulièrement depuis quelques décennies.

Or donc, Paris est en "zone rouge". Ah bon, alors que faire? L'urgence est sûrement de développer des jardinets aux pieds des arbres, planter des pois de senteurs, multiplier les "shruberies", plutôt que limiter les contacts entre passagers des transports en communs. N'oublions pas le slogan qui exprime le mieux notre époque: "métro, boulot, dodo", auquel le terme "école" devrait être ajouté. Sans les deux premiers et le dernier, une baisse redoutable des profits liés à l'aéronautique, à la voiture, aux autoroutes, au pétrole, à l'agro-alimentaire, etc., serait à craindre.

Alors merci à la RATP, merci à la mairie de Paris de veiller au grain, de nous rappeler que, dans une oligarchie régie par la constitution bonapartiste de la Ve République et dirigée par un monarque mal élu, la fonction des services publics n'est pas d'être au service du public mais de limiter le plus possible les dépenses dont ce dernier aurait besoin.

 

Alain Dubois

29 octobre 2020

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