28 Novembre 2020
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A travers les informations biaisées qu’ils diffusent, et des pseudo-débats entre “experts” partageant un socle de croyances et d’intérêts, les médias distillent en permanence l’idéologie selon laquelle rien ne peut être fait pour changer fondamentalement la société et qu’il faut se résigner. Il peut être utile de connaître quelques blogs où du moins un son de cloches différents se fait entendre.
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La désinformation vomie quotidiennement par les médias officiels de tous acabits n’est pas nouvelle, mais elle est devenue tellement, à la fois, intense et masquée, qu’il devient urgent de disposer d’autres sources d’information. Ce n’est pas tant au niveau des “informations” fournies que le problème se pose, bien que celles-ci soient certes soigneusement sélectionnées, filtrées et édulcorées en fonction du message à délivrer, mais avant tout au niveau des soi-disants “débats” dont ils sont tous friands, et dont la fonction et de faire croire qu’ils fournissent une information pluraliste, où “tous les points de vue” sont exprimés. Qu’il s’agisse des “tribunes libres” ouvertes dans certains journaux comme Le Monde, des débats radiophoniques entre invités ou avec des auditeurs au téléphone sur des radios comme France-Inter ou sur diverses chaînes télévisuelles, le schéma est toujours le même: seul peuvent s’y exprimer des invités sélectionnés non pas en raison de la diversité de leurs opinions et argumentations, mais en fonction de leur “notoriété” ‒ une notoriété qui est elle-même fabriquée de toutes pièces par ces mêmes médias. Qu’ils portent ou non un nom à particules ou une écharpe rouge à la Tonton, tous ces “experts” et “intellectuels [il faut souvent le dire vite] qui comptent” partagent un socle commun de convictions et d’éléments de propagande, en réalité très liés à leur place dans la société, tels que “la lutte des classes est dépassée”, “communisme et fascisme sont des frères jumeaux”, “les problèmes sociaux, économiques et politiques ne peuvent se résoudre par des conflits entre blocs opposés, mais par la discussion, la négociation et le consensus”, et “dans bien des cas, il ne peut exister de solution idéale”, en raison du TIFA tchatchérien (“there is no alternative”), fondé sur des invariants historiques comme “la nature humaine”, les “lois économiques” et la fatalité historique. La seule exception dans la composition de cet aréopage faussement pluraliste, destiné à lui conférer une aura d’objectivité, consiste en la fréquente invitation de représentants de l’extrême-droite, et, mais bien moins souvent, de la “gauche radicale officielle” (qui peuvent rarement s’exprimer plus de quelques secondes sans se voir insulter, principalement par les journalistes eux-mêmes), mais quasiment jamais, quelle que soit leur représentativité et influence syndicale ou dans les “mouvements sociaux” comme les Gilets Jaunes, à l’image de l’unique apparition télévisuelle des “dirigeants” de mai 68 (intronisés comme tels par le pouvoir mais qui ne dirigeaient rien), destinée à effrayer le bourgeois, l’ouvrier et le paysan devant son poste de télé en noir-et-blanc.
Le “plafond de verre” de cette “notoriété” est peut-être plus difficile à franchir que celui, dont on parle beaucoup plus, de l’accession au pouvoir, qui en dépend directement. Certains avaient rêvé que des blogs d’expression libre, comme Mediapart, permettent aux “citoyens” non encartés dans cette “infosphère” de se faire entendre, mais il n’en est rien, comme s’en plaignent régulièrement certains intervenants sur ces blogs, dont les messages ne sont quasiment jamais lus, en raison du nombre excessivement élevé de ceux-ci, et surtout du fait que ne sont en fait “visibles” que ceux qui sont sélectionnés par la direction de ces sites comme “choisis par la rédaction”, et, ce qui en découle directement, “les plus lus”. Ces sites sont tout juste, pour la plupart de ceux qui leur permettent de vivre par leurs cotisations, des “défouloirs” permettant à leurs auteurs de se faire plaisir, de flatter leur propre ego, mais pas de “communiquer” vraiment avec beaucoup de lecteurs.
Il en va apparemment différemment sur les fameux “réseaux sociaux” où, semble-t-il, une “notoriété” peut se faire, et se défaire, en très peu de temps. Mais pour ceux qui, comme moi, sont déjà passablement occupés et ont passé l’âge et n’ont ni le temps ni le goût de passer des heures à “surfer sur le net”, ce que seuls des oisifs peuvent se permettre, pour rechercher des sons de cloches différents, lire des centaines de messages débiles, et surtout vérifier leurs sources, il s’agit là d’un continent inexploré et quasi-inaccessible.
Pour ma part, tout en ayant conscience que bien entendu aucune source n’est fiable à cent pour cent, je trouve utile, pour ne pas mourir complètement idiot, de disposer de quelques adresses de blogs auxquels on peut s’abonner gratuitement et qui quotidiennement distribuent des billets, à lire certes toujours avec prudence, mais qui éclairent l’actualité, notamment internationale, et parfois l’histoire, d’une lumière inhabituelle et souvent utile. Sans surprise, ces blogs émanent de militants à culture de base marxiste, même s’ils diffèrent sensiblement entre eux dans leur approche du marxisme, de la politique et de l’histoire. J’en citerai ici trois, qui, pour des raisons différentes, sont dans ce cas à mon avis.
Le blog d’Alain Batan sur Mediapart, auquel on peut aussi s’abonner directement en écrivant à Daniel Petri <daniel_petri@orange.fr>, qui fait suite au blog de “La Commune”, fournit des réflexions non conventionnelles nourries d’une vaste culture marxiste, historique, politique et autree, d’un humour féroce, d’un style inimitable. J’ai bien souvent grand plaisir à le lire et j’y apprends bien des choses.
Le site “Arguments pour la Lutte Sociale” <https://aplutsoc.org/author/aplutsoc/>, au titre certes trop long et rebutant, livre les réflexions et propositions d’un petit groupe issu du mouvement lambertiste mais ayant apparemment su se dégager du marais nauséabond des luttes fratricides au sein de la secte historique (pour le contrôle des locaux, de la presse, des permanents, des militants et de leurs cotisations), et offre des perspectives souvent très justes de mobilisation unitaire pour tenter de reconstruire un mouvement ouvrier et révolutionnaire international moins sectaire que tous ceux qui ont échoué jusqu’ici à réunir des forces significatives face aux institutions mortifères issues des échecs et trahisons des deuxième, troisième et même quatrième internationale.
Enfin le site “Ça n’empêche pas Nicolas” <http://canempechepasnicolas.over-blog.com/>, au titre également bien peu lisible, distribue chaque jour une pléthore de billets informant sur les luttes syndicales et politiques dans le monde entier. Les points de vue y sont divers, et traduisent un réel pluralisme de pensée et d’engagements militants. Très inégal, ce site apparemment lié à une partie de la CGT accueille régulièrement des réflexions d’anciens staliniens, pas tous repentis, et d’autres mouvances du mouvement ouvrier. Il est certes insupportable d’y lire régulièrement des billets d’hommage au premier degré aux anciens ténors du parti communiste français, style Thorez ou Marchais, et parfois même à Staline lui-même, mais les informations qu’on y trouve sur les luttes des classes dans le monde, même si leur éclairage est manifestement souvent partisan et biaisé, sont sans équivalent à ma connaissance concernant ce que l’on peut trouver sur le net sans y passer des heures de recherche.
Je tiens à préciser que je ne suis nullement stipendié pour donner ces informations ou même encouragé par les responsables de ces sites, et que je ne le fais que pour partager avec mes lecteurs ces quelques informations que j’ai trouvées par hasard au cours des années, parmi d’autres sites qui ont plus souvent déçu mes attentes. Je serais heureux de recevoir en échange d’autres références de sites intéressants et utiles pour qui souhaiterait pouvoir encore croire que “quelque chose” pourra encore être fait pour, non pas l’empêcher car il est déjà bien trop tard, mais faire face à l’effondrement civilisationnel en cours et qui va s’approfondir et s’accélérer dans les mois et années qui viennent.
On notera que je ne donne ici aucune référence à des sites “écologistes”, car malgré l’ampleur de la catastrophe en cours, et ce depuis des décennies, et malgré des tentatives infructueuses de construire un réel mouvement “éco-socialiste”, les écolos dans leur presque totalité, comme la quasi-totalité des “intellectuels critiques et radicaux”, restent viscéralement anti-communistes et n’ont pas encore compris que la synthèse des acquis du marxisme et de ceux (bien moindres) de l’ “écologie politique”, est depuis 50 ans une nécessité incontournable, qui pourtant malgré son urgence déjà chenue a de grandes chances de ne jamais voir sa réalisation historique. Le fait que les trois sites mentionnés ci-dessus soient quasi-entièrement aveugles à l’urgence environnementale et n’en tiennent guère compte dans leurs analyses et propositions est symptômatique à cet égard. Pourtant, la seule force sociale susceptible de mettre fin au capitalisme et de combattre les conséquences environnementales et partant sociales de son fonctionnement depuis la révolution industrielle, et particulièrement depuis la deuxième guerre mondiale, est le prolétariat et ses alliés “naturels” (travailleurs agricoles, sociaux, soignants, enseignants…), et non pas la nébuleuse indéfinie des “citoyens” et de la “société civile” dans son ensemble, qui comporte une bonne frange de gens qui, du fait de leur position de classe intermédiaire, et souvent du fait qu’ils détiennent un modeste patrimoine, sont convaincus qu’ils auraient plus à perdre qu’à gagner à la destruction du capitalisme et de l’impérialisme, et qui seront susceptibles, dans un premier temps du moins, de combattre les forces qui s’engageraient vraiment dans cette voie.
Alain Dubois
28 novembre 2020
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Sur Mediapart:
https://blogs.mediapart.fr/alaindubois/blog/281120/quelques-blogs-connaitre