L'Herbu

Le blog d'Alain Dubois, Saturnin Pojarski et Augustin Lunier

Le discours du maire de Commentry (Allier) pour l'anniversaire de la Commune

Le discours du maire de Commentry (Allier) pour l'anniversaire de la Commune

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152EME ANNIVERSAIRE DE LA COMMUNE DE PARIS

 

Ville de Commentry – 18 mars 2023

Discours du Maire – Sylvain Bourdier

 

 

 

« Si un pouvoir quelconque pouvait faire quelque chose, c'était bien la Commune, composée  d'hommes d'intelligence, de courage, d'une incroyable honnêteté et qui avaient donné  d'incontestables preuves de dévouement et d'énergie. »  

Cette proclamation de Louise Michel dans ses Mémoires met en relief toute l’aventure  humaine, d’hommes et de femmes de grande valeur autant que de condition simple, que fut  l’insurrection populaire de la Commune de 1871. 

La Commune fut le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple, sans doute dans sa plus  intense expression à travers l’histoire jusqu’à nos jours. La Commune fut et reste une  démonstration par l’expérience de la puissance de l’intelligence collective d’un peuple lorsqu’il  passe à l’action.  

 

À la mi-mars 1871, les Prussiens viennent de marcher sur la Capitale et Adolphe Thiers veut  retirer les canons au peuple de Paris ; armement que les Parisiens avaient eux-mêmes payé  par souscription. Durant des mois, les Parisiens, dans le froid et la famine, avaient  courageusement résisté à l’envahisseur.  

Le 18 mars au matin, le peuple de Paris, entre humiliation de la capitulation et misère sociale,  voit les soldats du gouvernement avancer pour reprendre les canons.  

Les femmes, réveillées les premières, empêchent les soldats de se saisir des armements sur  la butte Montmartre. La Garde nationale sonne l’alerte, le peuple en armes dresse les  barricades et les soldats fraternisent. Adolphe Thiers fuit à Versailles. 

 

L’insurrection populaire va accoucher de 72 jours d’innovation sociale et politique.  

Face à un Gouvernement sans légitimité morale ou démocratique, les Parisiens vont se doter  de nouveaux représentants élus communaux.  

Le 22 mars, le comité central de la Garde nationale déclare :  

« Les membres de l’assemblée, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion sont  révocables, comptables et responsables. » 

Le 26 mars, les élections ont lieu, le 28, la Commune est proclamée. Elle est tout à la fois une  assemblée communale, qui ne prétend pas à la tutelle du Pays, mais aussi un embryon de 

Gouvernement de celles et ceux d’en bas. Elle souhaite la coopération libre des Communes de  France, expression de la Souveraineté populaire.  

 

Le 29 mars, la Commune décrète l’annulation des loyers. 

le 2 avril, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et la suppression du budget des cultes. 

le 8 avril, le versement d'une pension à tous les blessés, qui sera ensuite étendue aux veuves  et aux orphelins des Gardes nationaux tués au combat. 

Le 11 avril, « l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés » est créée. Le 14 avril, la Commune interdit les arrestations arbitraires.  

Le 16 avril, elle fait recenser les ateliers abandonnés et appelle à la création de coopératives ouvrières.  

Le 20 avril, elle interdit le travail de nuit chez les boulangers. 

Le 22, elle organise les boucheries municipales pour gérer les pénuries. 

Le 24, la Commune décide la réquisition des logements vacants, puis le 27, elle supprime les  amendes patronales et les retenues sur salaire.  

Le 28 avril, une commission est formée pour organiser l’enseignement laïc, primaire et  professionnel. Les fournitures scolaires deviennent gratuites. 

Le 4 mai, la Commune interdit le cumul des traitements. 

Le 7 mai, les objets déposés au Mont-de-Piété peuvent être retirés gratuitement. 

Le 17 mai, l'égalité des enfants légitimes et naturels, des épouses et des concubines pour la  perception des pensions est décrétée. 

Le 19 mai, la Commune décide de la laïcisation de l’enseignement. 

 

Voilà l’œuvre de la Commune, voilà son extraordinaire modernité, voilà son héritage précieux,  voilà sa contribution historique essentielle ! Voilà aussi tragiquement pourquoi l’ordre établi l’a  écrasée dans le sang.  

 

Dans le feu et les étincelles de l’Histoire, les femmes et les hommes construisent un chemin.  

Sur les pavés de ce chemin, patiemment façonnés dans le tumulte et souvent la souffrance,  sont inscrits la Glorieuse Révolution de 1789, les grandes grèves de 1936 et la victoire du  Front Populaire, la Résistance française, mais aussi, il ne faut pas avoir peur de le dire, le  séisme de Mai 68 dont la réplique se traduira par la victoire politique et sociale de mai 1981 ou  encore le grand mouvement contre le plan Juppé de 95.  

A n’en pas douter, la mobilisation pour la démocratie et le droit de vivre dignement qui se  développe depuis le 19 janvier s’inscrit elle aussi sur les pavés du chemin, face à un pouvoir  qui sombre dans l’autoritarisme et la prédation contre les classes populaires. 

Sur ce chemin, l’intense lumière de la Commune de Paris a éclairé et continue de luire, par-delà  les frontières : de la République espagnole au Soviet de Petrograd, de la victoire d’Allende  jusqu’à aujourd’hui, dans le combat des peuples palestiniens, syriens, iraniens ou ukrainiens.  

Je voudrais avoir une pensée et adresser un salut rempli de solidarité et d’émotion, pour  Maksym Butkevytch, militant ukrainien des Droits humains, qui a pris les armes pour résister à  l’envahisseur ; qui a été arrêté et condamné par la pseudo « République populaire de  Louhansk », en vertu de la législation russe. Sa vie est en danger. L’intersyndicale vient de  publier un communiqué pour réclamer sa libération. Rendre hommage à la Commune, c’est  nécessairement combattre et dénoncer les Versaillais d’aujourd’hui, où qu’ils soient dans le  monde, c’est donc dénoncer Poutine et ses milices ennemis des peuples souverains.  

 

Oui, le chemin nous mène jusqu’ici, jusqu’à aujourd’hui et nous continuerons d’inscrire nos  combats sur ses pavés, et ce tant que la perspective toujours inaccomplie du réel bonheur  humain ne sera pas satisfaite, tant que l’on souffrira au travail ou de l’absence de travail, tant  que certains devront tenter de survivre plutôt que de vivre.  

Aujourd’hui même, à cette heure, dans tout notre Pays, le réel rappelle, dans toute son âpreté,  dans sa violence, dans son injustice, l’actualité du combat.  

La violence est double : elle est économique, lorsque l’on s’en prend à celles et ceux qui  travaillent durement et qui souffrent, en les condamnant à la précarité ou au travail jusqu’à la  mort. 

Elle est aussi politique, lorsque ceux qui devraient représenter l’expression du Peuple  s’emploient à défendre une catégorie privilégiée et des intérêts particuliers tout en montrant  du doigt les plus petits. Et ce, alors que le plus profond du pays crie : ça suffit ! 

 

Auguste Blanqui, dont nous souhaitons honorer plus particulièrement la mémoire aujourd’hui,  quelques mois après le 120e anniversaire de sa mort : républicain, socialiste, révolutionnaire,  adhérent dès 1824 à la Charbonnerie, et dont notre Christou, des années plus tard, suivit  l’exemple en adhérant à la Marianne, est inculpé de complot contre la sûreté de l'État en 1831,  et condamné à 1 an de prison pour avoir déclaré que : « Oui, ceci est la guerre entre les riches  et les pauvres ; les riches l'ont voulu, parce qu'ils ont été les agresseurs. Les privilégiés vivent  grassement de la sueur des pauvres. ». 

Lors de son procès, devant la Cour d’assises, face à l’Avocat général, il affirme : « Le peuple  veut faire et il fera les lois qui doivent le régir : alors ces lois ne seront plus faites contre lui ;  elles seront faites pour lui, parce qu'elles le seront par lui ». 

Il dit encore : « les riches ont voulu la guerre, seulement ils trouvent mauvais que les pauvres  fassent résistance ; ils diraient volontiers, en parlant du peuple : Cet animal est si féroce, qu'il  se défend quand on l'attaque. » 

 

Ces mots ne raisonnent-ils pas d’une criante autant que navrante actualité, au moment où un  gouvernement sans majorité, utilisant une ficelle constitutionnelle communément admise  comme anti-démocratique, contourne le vote du Parlement, et ignore la voix du Pays tout  entier ?  

Pendant que nos dirigeants prétendent faire de la « pédagogie », parce que nous sommes  sûrement trop bêtes, et disent qu’il faut « garantir l’équilibre du système de retraite », qu’il faut  travailler plus, plus longtemps, gagner moins : nous apprenons que le patron de Total est  augmenté de 10% en ce moment même ! 

Alors face à cela, oui, en face, car il y a affrontement, car le monde est divisé, l’histoire de la  Commune nous appelle à exercer notre droit inaliénable à nous lever, à dire non, à ouvrir une  autre voie, la possibilité de changer la vie, de dessiner une société de paix, de justice, et de  bonheur pour chacune et chacun, dans la coopération et la solidarité.  

 

À ceux qui tiennent le pays debout, à ceux qui ramassent les poubelles et qui par leur grève  montrent au grand jour qu’ils sont essentiels, et à toutes et tous les autres qui se battent en ces  jours : vous continuez ce que les Communards (ou les Communeux comme ils préféraient se  faire appeler) ont commencé !  

 

Vous avez raison ! Ensemble, nous sommes tout !  

Retrait de la réforme : démocratie ! 

Place au Peuple ! 

Vive la Commune, Vive la République Sociale ! 

 

Seul le prononcé fait foi. 

 

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