28 Novembre 2020
__________
La crise ouverte du régime macronien commence à fissurer les rangs des soutiens à l’élu “miraculeux” de 2017, mais il est bien tard pour se désolidariser de la dernière incarnation du pouvoir bonapartiste, et bientôt policier, de la 5e République, et lui demander de changer de cap. Macron démission ! A bas la 5e République ! Assemblée Constituante !
__________
Ainsi donc Michel Broué (mathématicien), Hélène Cixous (écrivaine), Constantin Costa-Gavras (cinéaste), Ariane Mnouchkine (metteur en scène de théâtre), Lilian Thuram (footballeur, président de la Fondation Éducation contre le racisme) et Cédric Villani (brillant mathématicien, député, ex-candidat banané à la mairie de Paris), avec d’autres “citoyens” représentants de la gôche de boudoirs [1], font aujourd’hui amende honorable et s’adressent à leur élu, le consul Macron, pour lui dire “Monsieur le Président, nous n’avons pas voté pour ça”, pour lui adresser respectueusement, face à la dérive policière de l’État qu’il dirige, cette demande pathétique: “Monsieur le Président, laisser faire cette atteinte à nos libertés et à nos droits, c’est installer ce dont l’extrême-droite néo-fasciste rêve : un État autoritaire où l’État de droit devient un État de police, criminalisant les mobilisations de la société et certaines revendications populaires. Si vous n’empêchez pas cette perdition, vous porterez la terrible responsabilité historique d’avoir fait la courte échelle aux idéologies mortifères contre lesquelles vous avez été élu.”
J’avoue qu’à l'époque de l’élection présidentielle hautement historique de 2017, je n’avais pas prêté attention aux gesticulations de cette docile “gôche républicaine”, anti-marxiste, anti-révolutionnaire, anti-grève, anti-Gilets Jaunes, qui, n’ayant tiré aucune bilan de l’opération de Chirac en 2002, largement soutenue alors par tous les médias “progressistes” à la sauce France-Inter et Libération, se fit élire triomphalement (82 % des voies) contre Le Pen en se présentant comme candidat de “tous les français”, pour, une fois élu, gouverner comme de juste au service des seuls intérêts de la bourgeoisie. En mai 2017, d’autres questions plus graves, comme l’opération des Trois Petits Cochons menée par Hamon pour barrer la route à Mélenchon, ce qui impliquait de faire gagner Macron, méritaient plus d’attention.
Il y a une bonne proportion de “mathématiciens” dans ces célèbres signataires de l’appel, bien plus que dans la “société civile” en général. Comme quoi on peut être professionnel du calcul et en faire de bien mauvais en politique. Tenter de répéter l’opération Chirac en 2002, compréhensible à l’époque, était complètement anachronique en 2017 et traduisait le fait, infiniment vérifié, que dès que l’on quitte le terrain de la lutte des classes, la dérive peut aller très loin. Dans leur ensemble, les “citoyens”, eux, ne s’y sont pas trompés, qui n’ont pas répété le ras de marée de 2002, ne cédant pas cette fois-ci à la propagande médiatique qui tentait de faire accroire que ne pas voter pour Macron était voter pour le fascisme. Celui ou celle qui aurait osé, en 2017, reprendre l’expression “bonnet blanc et blanc bonnet”, employée par Jacques Duclos en 1969 au sujet de Georges Pompidou et Alain Poher, aurait signé pour une stigmatisation à vie comme “fasciste”, sinon pire, “fasciste masqué”. C’est bien ce qui est advenu à Mélenchon, bien qu’il ait eu la prudence de ne pas employer cette expression ou une formulation équivalente mais ait eu le courage d’appeler “seulement” à ne pas voter Marine, sans appeler à voter Macron.
Ceux qui se réveillent aujourd’hui, ou feignent de le faire, devant la soi-disant évolution de Macron, candidat “ni de gauche ni de gauche”, qui tomberait soudainement le masque et révélerait ce qu’il avait tenu caché jusque là, font preuve de beaucoup d’aveuglement (pour être gentil) ou de duplicité (pour être réaliste). Macron n’a jamais caché qu’il était le candidat du grand capital financier et pas celui du peuple. Sa politique face aux Gilets Jaunes, aux mouvements de résistance face au détricotage des acquis constitutionnels et juridiques des luttes du mouvement ouvrier depuis plus d’un siècle, face à la pandémie covid, n’a rien d’étonnant. Ceux qui croient, ou tentent de faire croire, qu’il y a des lieues entre sa politique et celle qu’aurait menée Marine, ne comprennent pas qu’il y a plusieurs chemins vers le fascisme, mais que celui-ci est l’une des solutions de la bourgeoisie pour faire face aux crises, économiques, sociales et politiques, comme celle dans laquelle se débat le capitalisme pourrissant depuis des décennies (l’autre solution étant le front populaire). L’un de ces chemins, que l’on pourrait qualifier généreusement d’ “idéologique”, est celui des fascistes historiques déclarés. Mais l’autre est celui des soutiers du libéralisme économique, dont la seule boussole politique est de veiller au maintien, ou même actuellement au progrès, des plus-values des banquiers, multi-nationales et actionnaires. Or, dans la période de crise mortelle de l’impérialisme mondial, qui avait commencée bien avant le covid, la voie est étroite pour mener ce combat: elle exige un affrontement sans pitié ni faiblesse contre les travailleurs et les peuples. Cet affrontement est d’autant plus destructeur que, du côté de ces derniers, les organisations politiques et syndicales le redoutent et font tout pour l’éviter ‒ la lutte des classes aujourd’hui étant une guerre mondiale où les états majors des deux armées sont au service de l’une d’entre elles. Au lieu d’y préparer la grande majorité de la population, les directions syndicales et politiques du mouvement ouvrier tentent de collaborer avec le pouvoir dans l’illusion qu’ils pourraient encore “négocier” quoi que ce soit, dans une vision “réformiste” qui a 50 ans de retard puisqu’il y a belle lurette qu’il n’y a plus aucun “grain à moudre”.
Toute la “gôche” institutionnelle tente désespérément de calmer le jeu en freinant des quatre fers dans une alliance contre-nature, dans l’espoir vain d’empêcher la mobilisation qui couve pour virer dès maintenant Macron et ses séides du pouvoir, et pour se battre sans attendre pour une nouvelle constitution balayant la constitution bonapartiste de la 5e République, ce “coup d’État permanent”. S’ils y parviennent jusqu’en 2022, les deux chemins vers l’État policier et vers le fascisme convergeront. Les “idéologues” à la Marine comprendront vite qu’ils ne pourront gouverner qu’en abandonnant, comme Mussolini puis Hitler en leur temps, toute prétention à une politique à la coloration (même superficielle) “sociale”, et s’appuieront sur la seule force susceptible de les aider à faire fonctionner un État policier, le capital financier. Et les laquais du libéralisme économique, en pleine débâcle économique, sociale, sanitaire, environnementale mondiale, n’auront pas d’autre solution pour parvenir à leurs fins que d’avoir recours au fichage et à l’espionnage des citoyens, à la police, puis à l’armée. Comme on le voit actuellement, tout cela peut aller très vite, dans le contexte mondial actuel complexe combinant lutte à mort de plus en plus claire entre les États-Unis et la Chine, crise environnementale, climatique, sanitaire, alimentaire, montée des régimes fascistes ou pré-fascistes dans le monde entier, terrorisme, et réveils révolutionnaires, pleins d’espoirs mais aussi d’illusions, en l’absence de traditions et d’organisations révolutionnaires (les deux ayant été laminées par un siècle de stalinisme), sur tous les continents.
Ah oui, dans ces conditions, il n’est vraiment pas temps de s’adresser respectueusement au monarque, à travers des déclarations, des pétitions, des manifestations, pour lui demander sans espoir, ou même le “supplier”, comme le fait aujourd’hui sans vergogne Jean Baubérot dans L’Obs, de respecter des engagements qu’il n’a en fait jamais pris. Il faut expliquer, mobiliser, organiser, pour préparer la prise du pouvoir, sans attendre le piège de 2022. En cette période fragile de pandémie, une grève générale en France serait susceptible de précipiter un tel dénouement à une vitesse extaordinaire. Mais pour préparer cela il faudrait cesser de raconter des sornettes et de tenter d’endormir l’infinie colère du peuple.
Macron démission! A bas la 5e République! Assemblée Constituante!
[1] Parmi ces 6 personnes médiatiques, je dois dire que ma surprise et ma déception ont été particulièrement marquées concernant Costa-Gavras, dont les films remarquables respirent l’honnêteté intellectuelle et la clairvoyance politique et historique, et Michel Broué, fils du regretté historien marxiste Pierre Broué, ex-responsable du feu “Comité des mathématiciens”, qui avait réussi cet exploit de faire libérer l’opposant russe Leonid Pliouchtch des géôles “psychiatriques” de l’URSS et de le faire venir en France, où le pauvre bougre s’était empressé de rejoindre la gôche caviar et de cracher sur ceux à qui il devait la liberté et la vie. Comme quoi dès que l’on quitte le terrain de la lutte des classes pour se placer sur celui de l’idéologie bourgeoise “progressiste”, “anti-raciste”, “féministe” et “écologiste” mais anti-révolutionnaire et anti-communiste, la dégringolade peut être très rapide.