22 Mars 2020
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La France est l’un des pays les moins bien préparés à la pandémie en cours. La faute en incombe à son gouvernement. Le soutien moral apporté aux soignants par des applaudissements « citoyens » à 20 h ne les aide guère à effectuer correctement leur travail. Ceux-ci pourraient être suivies de concerts de casseroles exigeant la démission de Macron et la mise en place d’un Gouvernement de Salut Public.
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Dans un geste démagogique affligeant, le Sénat a applaudi les personnels de santé pour leur travail héroïque, à l’instar des bobos sur leurs balcons. Cela évite d’avoir à leur donner les moyens de faire de manière sécurisée et pleinement efficace leur travail « au service de la nation ». Ah ! que les crises sanitaires, économiques ou autres, les attentats, les incendies de Notre-Dame, les accidents industriels, les séismes et tsunamis, sont propices à la résurrection, toujours souhaitée par le pouvoir, de l’« unité nationale ». C’est à se dire que, si ces événements n’existaient pas, il faudrait les inventer.
Dans cette période étrange, où chacun se sent légitime à livrer ses commentaires, et à s’étaler pour ce faire sur de longues pages oiseuses, il devient impudent d’en ajouter : « tout » et son contraire a été dit et le sera par les oisifs jouant la mouche du coche. C’est pourquoi jusqu’ici je suis resté quasi-silencieux sur ce sujet complexe. Je souhaite néanmoins réagir à un message privé d’un collègue que j’apprécie par ailleurs, en réponse à un courriel où je lui disais qu’une fois de plus, la meilleure solution à la crise actuelle serait de commencer par virer Macron, dans la perspective d’une révolution prolétarienne pour arracher le pouvoir à la « loi du marché » : « Si les prolétaires prenaient le pouvoir ils feraient quoi ? ». Cette réponse ne me surprend pas de la part de quelqu’un qui, quoique « insoumis », avait déjà écrit dans un forum il y a quelques années cette superbe formule : « du temps de la lutte des classes », qui suggère que la suppression par les partis staliniens de la référence à cette dernière dans leurs statuts avait abouti à la disparition du phénomène, présent dans toutes les sociétés humaines depuis l’apparition de l’agriculture ‒ comme s’il suffisait que le Comité Central le décrète pour annihiler la loi de la pesanteur. « Si les prolétaires prenaient le pouvoir ils feraient quoi ? » : cette phrase, frappée au coin d’un bon vieil anti-communisme primaire digne du « couteau entre les dents », est toutefois très intéressante, car elle traduit plusieurs incompréhensions qui sont sans doute partagées par un grand nombre d’hommes et de femmes « de bonne volonté », se considérant même sans doute comme « de gauche ».
L’idée que les prolétaires sont tout juste bons à travailler, les mains dans le cambouis, et ne sauraient diriger la société, est vieille comme le monde, ne nous y arrêtons pas. Mais derrière cette phrase, il y a l’idée que la « révolution prolétarienne » ne serait pas à même de changer quoi que ce soit de significatif à notre époque de pré-collapse, où la crise du corona virus n’est que le premier acte d’un effondrement bien plus important, impliquant tous les pans du fonctionnement de notre civilisation (sanitaire d’abord, puis économique, social, politique, mais aussi environnemental et climatique), menaçant directement la survie de l’humanité dans sa quasi-totalité.
L’idée qui sous-tend cette attitude est que, maintenant, « tout le monde est dans le même bateau », que tous les humains sont menacés de la même manière, et qu’il en résulte une nécessité de « se serrer les coudes », d’oublier nos « vieilles querelles » comme la lutte des classes, qui serait « dépassée ». Il faudrait chercher collectivement, entre « citoyens », tous égaux, confraternels et « de bonne volonté » (amen), des solutions à ce que soudainement, alors que cela fait plus de 50 ans que la science l’a établi, la « société » dans son ensemble, c’est-à-dire les oligarchies au pouvoir dans le monde entier, et les médias et les intellectuels à leur solde, nous dévoilent enfin : le fait que nous soyons maintenant pleinement entrés dans l’anthropocène, c’est-à-dire l’effondrement des écosystèmes, l’extinction massive, accélérée et irréversible de la biodiversité, le bouleversement climatique incontrôlable, et toutes les autres conséquences du fonctionnement des sociétés humaines, surtout depuis un siècle, sur la santé, l’alimentation, l’agriculture, l’économie et tout le fonctionnement de ces sociétés.
Il n’y a encore pas longtemps, les écolos et autres militants qui avaient pris conscience de ces problèmes pensaient que ceux-ci pourraient trouver une solution dans le cadre du fonctionnement « normal » de nos sociétés, en informant le public et les pouvoirs, dans l’espoir de convaincre ces derniers de prendre les mesures nécessaires. Peu à peu, l’idée a fini par s’imposer à eux que cela ne suffisait pas et qu’il fallait aller plus loin pour « sauver la planète » ‒ la pauvre, comme si elle avait quelque-chose à foutre de l’extinction de l’espèce animale la plus nuisible qu’elle ait portée : comme disait Paccalet, l’humanité disparaîtra, bon débarras ! On a vu alors fleurir dans les manifs et autres rassemblements, « festifs » comme il se doit, le slogan : « changer le système, pas le climat ». Mais la nature de ce « système » restait encore pleinement dans le non-dit. Ce n’est que depuis quelques années que le mot interdit, le mot maudit, « capitalisme », a fait apparition dans cette communication, parfois mâtiné d’adjectifs qui tentent d’atténuer la nature foncièrement destructrice de ce système économico-social, tels que « libéral », « ultra-libéral » ou même « sauvage » ‒ comme s’il pouvait exister au siècle des extinctions un autre capitalisme que sauvage, un capitalisme « progressiste », anachronisme absolu à l’époque de la décomposition de ce système.
En réalité, il y a belle lurette que cette décomposition a commencé. La phase « progressiste » du capitalisme avait déjà pris fin à l’aube du siècle de Verdun, de la Kolyma, d’Auschwitz, Hiroshima et Tchernobyl. Les socialistes révolutionnaires avaient déjà établi qu’avec la mondialisation qui en était à sa phase de balbutiement mais déjà en place, qu’on appelait alors « impérialisme », le capitalisme avait atteint son étiage et qu’il était temps de le remplacer dans le monde entier par un autre système, le socialisme ou communisme, ce qui ne pouvait se faire que par la voie révolutionnaire, sous la direction de la seule classe sociale susceptible de le faire, de par sa place dans les rapports de production, le prolétariat ‒ le siècle précédent ayant amplement démontré que cela était impossible par la voie « légale » parlementaire. Et ce remplacement débuta en effet, à la fin de la boucherie de 1914‒1918, avec la révolution d’Octobre. Par une de ces facéties improbables dont l’histoire est riche, cette révolution, encerclée dès les premiers jours par tous les pays capitalistes et isolée suite à l’échec de la révolution allemande de 1919‒1923, accoucha du monstre historique le plus hideux qu’aient produits les sociétés humaines, le stalinisme, mais cela n’était pas écrit à l’avance, de même que l’incapacité du prolétariat mondial à se débarrasser de ce cancer mortel pour le mouvement ouvrier et pour l’humanité toute entière.
Ce monstre généré au sein du premier état ouvrier par la pression du capitalisme a été responsable de trois catastrophes considérables dont l’humanité ne s’est pas encore relevée : (1) le régime totalitaire réactionnaire et mortifère, et de fait anti-communiste, de l’URSS, élargi lors de la guerre froide à l’Est de l’Europe, et singé en Chine, en Corée-du-Nord, à Cuba et dans quelques autres pays pendant un certain temps ; (2) le combat efficace, s’appuyant sur les partis communistes du monde entier, contre toutes les autres révolutions dans le monde depuis un siècle (notamment en Espagne, en Allemagne et au Chili, où elles permirent la venue au pouvoir de Franco, Hitler et Pinochet), celles-ci menaçant en cas de victoire le pouvoir stalinien d’effondrement devant la révolution politique (ce que ne permirent pas les révolutions chinoise et cubaine, dès le début inféodées à la doctrine stalinienne du « socialisme dans un seul pays », ni les mouvements révolutionnaires en Europe de l’Est des années 1950‒1960, pour la plupart écrasés dans le sang) ; (3) et enfin, ce qui est peut-être sa conséquence la plus grave aujourd’hui, le développement, efficacement encouragé bien entendu par les médias, intellectuels et plumitifs aux ordres du capitalisme, de l’idée que le socialisme est impossible, car toute révolution ne peut que déboucher sur la dictature d’une minorité et sur une société « pire que le capitalisme » ‒ tiens donc ! Parce que de nos jours tous les humains ne vivent pas sous la dictature inhumaine de la « loi du marché » peut-être ?
Il est pathétique de voir aujourd’hui, en raison de l’énorme panneau « sens interdit » maintenu à bouts de bras par tous les partis, les syndicats, les organisations diverses, tous ceux à qui notre civilisation du spectacle confère, en raison de leur docilité et de leur innocuité, la notoriété et la visibilité leur permettant de s’exprimer et de se faire entendre socialement, devant la seule voie de sortie existante, celle de la révolution socialiste, toute la « société civile » balbutie et tenter de trouver d’autres moyens de « sortir du capitalisme » en faisant l’économie de son renversement, ce qui est impossible. Pathétique, dérisoire mais aussi dangereux, car toutes ces énergies dépensées en vain risquent de finir, comme cela s’est déjà maintes fois produit dans l’histoire, non seulement par nourrir le découragement et la démobilisation, mais par être le terreaux de régimes fascistes de plus en plus violents et destructeurs, comme si l’humanité avait besoin de cela en cette période d’effondrement multiforme des repères et des équilibres précaires maintenus tant que bien que mal depuis des décennies comme sur une passerelle fragile au-dessus d’un gouffre.
Il y a quelques jours, je ne sais plus quelle ministre de Macron vantait les mérites des travailleurs qui permettent à la société française de « tourner » encore. Elle semblait avoir soudainement compris que ce sont les travailleurs, et pas les cols blancs, les patrons et les actionnaires, qui permettent à une société humaine de fonctionner. Il s’agit d’une évidence pour tous ceux qui ont eu l’occasion de vivre une grève générale, comme celles de 1936 et de 1968 en France, et il a fallu toutes les forces bandées de tous ceux qui, ne redoutant rien tant que la révolution, parmi lesquels médias, directions syndicales et politiques de tous bords n’ont pas été en reste, pour empêcher que les mouvements sociaux des gilets jaunes et des multiples combats contre les projets de lois destructrices de notre Code du Travail débouchent sur une Grève Générale. Parmi leurs arguments figurait celui que la France ne pouvait se permettre le « luxe » d’un blocage de toute son économie pendant quelques semaines. Quelle ironie de voir aujourd’hui qu'un simple petit virus réaliser ce que tout ce beau monde avait réussi à conjurer !
Dire que le prolétariat, compris comme incluant tous les salariés vivant de leur travail et dépourvus de patrimoine et de revenus financiers significatifs, constitue la seule force sociale capable de faire sortir la civilisation humaine du capitalisme, ne relève d’aucun « ouvriérisme », d’aucune idéalisation des individus qui constituent cette classe sociale ou d’aucun fatalisme sociologique, mais d’une analyse de la société qui a été menée à bien dès le 19e siècle par Marx et Engels, et qui, contrairement à ce que les nombreux chiens de garde du capitalisme prétendent, n’est nullement obsolète : la plus-value, et nullement la satisfaction des besoins humains, reste l’unique moteur du fonctionnement de cette société, même si un appareil idéologique très bien rôdé tente de nous masquer cette réalité. Dire que la seule réponse raisonnable, et ayant encore quelques chances d’efficacité (bien qu’il doit déjà bien trop tard), pour enrayer au moins en partie la spirale destructrice dans laquelle nous sommes entraînés, est la révolution socialiste, ne signifie pas que ce sera le prolétariat, et lui tout seul, qui saura faire ce qu’il faut pour cela. Ce que le prolétariat est seul à même de faire, car c’est la seule classe sociale qui n’a rien à y perdre, c’est de mettre fin au régime de l’exploitation de l’homme et de la nature par l’homme, de la dictature des banques, des actionnaires et des marchés financiers sur l’économie et la gestion politique de la société, et de les remplacer par un système au service de l’humain ‒ ce qui ne pourra se faire sans tâtonnements et erreurs. C’est de retirer tout pouvoir aux spéculateurs et le donner à des représentants du peuple guidant leurs décisions et actions sur les connaissances rationnelles, sur la science, et sur les décisions des travailleurs en armes ‒ car il faudra bien se défendre contre ceux qui voudront récupérer « leur » pouvoir.
Le 20 mars, un collectif de médecins a porté plainte contre Édouard Philippe et Agnès Buzyn, les accusant de s’être abstenus de prendre à temps les mesures nécessaires pour endiguer la pandémie alors qu’ils avaient conscience de la menace et disposaient des moyens d’action. Tout en reconnaissant que, face au covid-19, la France est l’un des pays « développés » les plus mal armés, malgré les combats menés par les travailleurs de la santé contre les gouvernements successifs et leurs plans d’austérité, pour empêcher les fermetures de lits d’hôpitaux, de services et d’établissements de proximité, pour des recrutements massifs de titulaires, l’augmentation de leurs salaires, le gouvernement et ses thuriféraires (y compris des « insoumis » comme Manuel Bompart, qui a déclaré : « Le temps n’est pas à la polémique, mais à la discipline »), nous disent aujourd’hui qu’il n’est pas temps de vitupérer contre le manque de lits, de tests, de masques, que pour l’instant il faut faire face à l’urgence, et que ce n’est que lorsque la danger sera passé que l’on pourra examiner les responsabilités. Mais nous savons bien ce que cachent ces atermoiements : quelles sanctions ont été prises contre les responsables de l’absence de réponse adéquate de l’État face aux canicules de 2006 et 2015, qui ont causé des milliers de morts évitables ? Ce n’est pas plus tard, c’est aujourd’hui même qu’il faut constater que Macron et son gouvernement se sont montrés en retard et incompétents, ou pire, pour gérer la pandémie, prévisible dès décembre 2019 en Chine, parce qu’ils se préoccupaient avant tout des profits des entreprises et pas de la santé publique. C’est aujourd’hui même qu’il faudrait les débarquer, pour les remplacer par un Gouvernement de Salut Public ayant pour premier objectif la défense de la santé.
« Si les prolétaires prenaient le pouvoir ils feraient quoi ? ». Tout d’abord, il y a très longtemps qu’ils auraient dû le faire. Leur retard à cet égard leur a coûté cher mais a aussi coûté cher à toute l’humanité, aux écosystèmes, à la biodiversité, au climat, etc. Si nous ne considérons que les trente dernières années en France, toute l’énergie mise par la finance américaine et internationale, le MEDEF et les gouvernements de « gauche » et de « droite », pour détricoter les lois sociales de notre pays, arrachées lors de combats de classe menés pendant des décennies et jamais octroyées de bonne grâce par la bourgeoisie, n’aurait pu se déployer.
« Si les prolétaires prenaient le pouvoir ils feraient quoi ? ». Ce ne sont pas les mesures à prendre qui manqueraient. Citons-en juste quelques-unes parmi les plus urgentes que pourrait prendre un gouvernement sans représentants du capital et de ses relais : la suppression immédiate de toutes les mesures juridiques et réglementaires d’exception récemment adoptées et porteuses de menaces pour les libertés publiques ; la suppression de toutes les mesures de soutien à l’ « économie » constituant en fait des cadeaux aux patrons et actionnaires des entreprises privées et aux spéculateurs ; la réinjection immédiate de milliards dans le soutien à notre service de santé ; la réouverture aussi rapide que possible des lits, services et établissements publics de santé détruits par les gouvernements successifs depuis des décennies ; la réquisition puis la nationalisation des établissements privés de santé et l’intégration de leurs personnels sur des postes permanents de la fonction publique ; la réquisition puis la nationalisation de tous les laboratoires produisant des tests de dépistage du covid-19, des masques, des gels hydroalcooliques et autres équipements de protection, d’aide à la respiration et de réanimation ; la mise en place, comme recommandée par l’OMS, d’un dépistage systématique chez des millions de personnes (dont le confinement sans tests n’a pour but que de reculer la prise en charge hospitalière, impossible par suite de manque de lits, d’équipements et de personnels de santé qualifiés, mais va augmenter le taux d’infection dès lors qu’une seule personne infectée non dépistée est enfermée sans masque avec des personnes non infectées) ; la mise immédiate à la disposition de tous les travailleurs, notamment mais pas seulement de la santé, et de toutes les personnes confinées dépendantes (notamment dans les EHPAD) de protections efficaces contre l’infection ; l’arrêt de toutes les activités économiques non directement indispensables à la population pour traverser au mieux la crise, et notamment de toutes les activités dont l’objet est avant tout la production de plus-value (comme la production de navires à Saint-Nazaire), mais sans impact sur les salaires ; la réquisition puis la nationalisation de tous les laboratoires travaillant sur la recherche de traitements de l’infection, et à plus long terme sur la recherche d’un vaccin (actuellement entravée par la compétition internationale, dans le cadre du capitalisme, afin de gagner le jackpot du premier vaccin commercialisé) ; la prise en charge à 100 % de toutes les personnes infectées sur notre territoire, quelles que soient leurs nationalités et leurs statuts ; la prise en charge intégrale de tout chômage partiel et de toute heure supplémentaire par l’État, prélevant les sommes nécessaires dans le système de spéculation financière ; le maintien intégral du pouvoir d’achat des salariés, en protégeant leurs salaires et/ou diminuant leurs charges ; la réquisition de toutes les denrées, tous les équipements et locaux nécessaires pour soutenir la population ; la mise en place d’un plan de distribution (par l’armée ?) de nourriture à tous les habitants, afin de réduire au maximum les déplacements et contacts, etc… Et ceci ne constituerait qu’une série de mesures d’urgence avant la dissolution des banques privées et de la Bourse, la confiscation de toutes les grandes entreprises industrielles, agricoles et de service, y compris les antennes de multinationales, etc.
Vaste programme ? Certes, et qui peut paraître « irréaliste » à tous ceux qui se contentent de donner des « conseils » (ou souvent des suppliques) aux gouvernements, comme ils le font depuis des décennies concernant l’environnement, la biodiversité, l’agriculture, l’alimentation, les transports, l’énergie, le logement, etc. Vaste programme certes, parce que nous sommes au bord de la falaise et que le véritable collapse (économique, environnemental, climatique, alimentaire, etc.), lorsqu’il va démarrer à une échelle décuplée, ne nous laissera quasiment plus le loisir de rien faire. Il sera alors temps de préparer l’après-collapse, et à cet égard aussi une sortie préliminaire du capitalisme serait cruciale, car si ce sont alors les mêmes qu’aujourd’hui qui sont au pouvoir, avec à leur service l’armée, la police et toutes les technologies anti-citoyennes développées ces dernières décennies, il ne nous restera qu’à numéroter nos abattis.
Il faut reconnaître qu’actuellement la frange de la population qui pourrait se mobiliser pour un tel programme, qui bien entendu n’aurait de sens que dans une perspective révolutionnaire mondiale, consiste en une poignée de gens. Mais dans des périodes de crise profonde de société comme celle que nous vivons, certains développements peuvent être incroyablement rapides. Ce qui manque avant tout aujourd’hui c’est une avant-garde aux idées claires, à la foi aguerrie (avec une grande culture politique, historique et scientifique) et hardie et jeune, capable de fédérer toutes les énergies qui se cherchent dans tous les pays pour « sortir du capitalisme », et attirer vers elle tous ceux qui, effrayés par la perspective révolutionnaire, cherchent des solutions réformistes à la crise actuelle, car toutes ces « solutions » sont vouées à l’échec.
Il est clair que « les prolétaires » ne prendront le pouvoir ni aujourd’hui ni demain, il n’y a pas encore lieu d’avoir peur du couteau entre les dents. Faut-il pour autant se ranger derrière l’« unité nationale » que tous, de « droite » comme de « gauche », tentent de nous vendre pour permettre à Macron de durer encore, jusqu’en 2022 où, face à Le Pen, les institutions de la 5e République lui permettront de rempiler, malgré une multiplication sans exemple pendant tout son mandat de mobilisations de quasiment toute la société contre lui et auxquelles il n’a su répondre que par une violence inouïe contre ses propres citoyens, de durer encore et lui permettre de gérer encore la crise au plus près des intérêts de la finance et au plus loin de ceux du peuple. Certes non.
Alors, faut-il applaudir à 20 h les personnels de santé pour leur dévouement héroïque, et à travers ce mouvement « bon enfant », exprimer l’absence de perspectives différentes de celles de notre gouvernement ? Ne faudrait-il pas envisager plutôt, après avoir applaudi les soignants à 20 h, de faire retentir chaque soir à 20 h 15 à partir des mêmes balcons un concert de huées et de casseroles, en scandant « Macron démission » et « Gouvernement de Salut Public » ?
Alain Dubois
22 mars 2020